J’ai publié ce texte sur Facebook en juillet 2021. Il a suscité des dizaines de réactions, des personnes se sont reconnues et d’autres ont compris un.e proche. Ça a été le début d’une prise conscience. Et depuis, on m’a surnommé “un introverti assumé”. Je me suis dit que ce serait bien de repartager ce texte ici suite à l’article “Mood pas d’humains”. Cela pourrait aider à comprendre ce que c’est que l’introversion. Bonne lecture à vous.
Ma petite maman se plaignait de ce que je restais tout le temps dans la maison et ne sortais pas. Mes camarades se plaignaient de ce que je ne participais pas aux soirées. Des amis m’ont dit que j’étais asocial. D’autres que je n’aimais pas les gens. Certains me disent encore que je suis bizarre, compliqué, j’en passe et des meilleures.
Mais ils se trompent: je ne suis pas bizarre, je suis introverti.
Un introverti est quelqu’un qui recharge ses batteries dans la solitude, au contact avec lui-même. En clair, ce n’est pas qu’il n’aime pas les gens, mais le contact permanent avec les autres, les stimulus (fêtes, bruits etc) l’épuisent. Littéralement.
Imaginons que le monde est un océan et que les contacts ne peuvent avoir lieu que sous l’eau. Les extravertis sont équipés pour rester sous l’eau plus longtemps (pas indéfiniment). Ils ont des bouteilles à oxygène, des palmes et la combinaison de plongée. Mais l’introverti est comme en apnée. Il ne peut pas respirer. Pour continuer à sociabiliser, à rester sous l’eau, il a besoin de remonter à la surface, reprendre son souffle. C’est vital.
Le problème est qu’on vit dans un monde qui a érigé l’extraverti en idéal: il faut parler tout le temps (même quand il n’y a rien à dire), rester en contact permanent, faire du bruit, travailler dans un open space, laisser la porte de son bureau ouverte, publier tout le temps sur les réseaux sociaux, être compétitif, agressif! Dans la société ivoirienne, se mettre de côté, être silencieux etc est signe de suffisance, de méchanceté de misantropie. En clair, si tu restes dans ton coin c’est que « tu n’aimes pas les gens »!
Dr Kane Aminata a publié un texte et voici ce qu’une introvertie qui s’est reconnue a commenté: « il y a bien longtemps, lorsque j’étais stagiaire, une dame m’a dit qu’elle ne m’aimait parce que je suis trop calme ». Tout est dit. Manifester son introversion c’est s’exposer à la méfiance !
Ceux qui ne comprennent pas que l’introverti a besoin de remonter à la surface pour reprendre son souffle vont se plaindre, juger, indexer. C’est une peine inutile qu’ils peuvent s’épargner.
Surtout que les Introvertis ne sont pas un groupe marginal. Des statistiques disent qu’une personne sur trois, voire la moitié de la population est introvertie.
C’est près de la moitié de votre entourage: votre femme ou votre mari. Votre enfant, vos élèves ou vos amis. Vos collaborateurs, vous même…
Exiger à ces personnes de rester en contact permanent, c’est comme leur tenir la tête sous l’eau. C’est les noyer à petit feu. Et c’est pire quand la personne jugée ne sait pas qu’elle est introvertie. Parce qu’alors elle joue le jeu. Mais quand elle ne tient pas, elle se sent inadaptée, s’en veut et son estime de soi est sapée!
Je pense que vous n’aimeriez pas faire subir cela à ceux que vous aimez. Vous préférerez être tolérant envers les personnes aimées n’est-ce pas ?C’est pourquoi la prochaine fois que vous verrez l’ami(e) prendre un peu trop de temps solitaire à votre goût, le collègue éviter les causeries banales, l’enfant préférer lire seul dans sa chambre etc, prenez le temps de vous souvenir de ce texte avant de le juger. Vous n’avez pas envie de l’asphyxier n’est-ce pas?
Et si la description qui précède, vous parle, que vous pensez être introvertis, sachez que vous n’êtes pas seul et encore moins bizarre. Et si malgré tout, votre entourage se plaint, rappelez-vous que pour vous, l’introversion est vitale et que vous plier aux exigences extraverties c’est vous suicider par noyade. Les même qui l’ont exigé de vous, vous jugeront encore après votre suicide intérieur.
Pour finir, je vous laisse avec cette petite bd de Pascal Campion (en anglais). Elle décrit bien ma vie d’introverti et ma position actuelle : je communique ce que je suis. Si l’extraverti ne comprend pas, ok, pas grave. Mais je ne me changerai pas pour lui faire plaisir et en souffrir. Car mon introversion me fait du bien.